Des scientifiques américains ont fait une découverte très intéressante. Il existerait un lien entre un gène de l’odorat et la propagation du cancer du sein au cerveau. Les résultats d’une étude publiée dans la revue iScience font état d’une trouvaille prometteuse pour le traitement des cancers du sein métastatiques.
Ce gène récepteur olfactif est nommé OR5B21, un récepteur couplé à la protéine G spécifique de la prostate. Il contribue à l’odorat qui, selon les données retrouvées par l’équipe de cancérologie et de génétique du Massachusetts General Hospital (MGH) aux États-Unis, serait impliqué dans la survenue des métastases du cancer du sein au cerveau, aux os et aux poumons. Les tests ont été pratiqués sur des souris. L’identification de ce gène permettrait aux chercheurs d’élaborer des traitements capables d’inhiber ce gène afin de réduire la formation de métastases du cancer du sein.
Quel est le rôle des récepteurs olfactifs ?
Les récepteurs olfactifs tapissent l’intérieur de la cavité nasale et conduisent les informations sensorielles jusqu’au cerveau où elles seront analysées. Si l’on connaît le rôle des récepteurs olfactifs dans la reconnaissance des odeurs, on connaît cependant moins leur rôle oncogène. Les données recueillies durant l’étude font état du récepteur OR5B21 (ou 5B21) qui serait également oncogène, capable de favoriser la progression d’une maladie cancéreuse en influençant la migration des cellules cancéreuses du sein vers le cerveau ou d’autres zones et organes du corps humain, ce qui entraîne la formation de métastases.
Les gènes des récepteurs olfactifs humains jouent un rôle majeur dans différents processus physiologiques, dont le cancer fait partie.
On sait par exemple que :
- Le gène OR5B21 est surexprimé dans les tissus des cancers de la prostate, avec une influence non négligeable sur la vitesse d’envahissement des cellules cancéreuses.
- Le gène OR2AT4 joue un rôle de régulation dans la prolifération, l’apoptose et la différenciation des cellules dans la leucémie myéloïde.
- OR2B6 et OR2W3 sont quant à eux présents en grande quantité dans les cancers du sein invasifs.
- OR2T6 est surexprimé dans les cancers du sein, augmentant les chances de prolifération des métastases.
Ces observations ont démontré que les récepteurs olfactifs jouent un rôle important dans la progression d’une pathologie tumorale métastatique. Mais malgré ces constatations, le rôle de la famille des récepteurs olfactifs dans les localisations secondaires du cancer mammaire ainsi que ses mécanismes sous-jacents sont encore mal connus.
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Cancer du sein métastatique : une nouvelle cible moléculaire pour l’élaboration de nouveaux traitements
L’essai a été conduit sur des rongeurs porteurs d’un cancer du sein et révèle que le gène OR5B21 favorise la formation de métastases par un processus appelé transition épithélio-mésenchymateuse (TEM), via une voie de signalisation nommée NF-κB/STAT. Ce phénomène provoque de nombreuses modifications biochimiques ou phénotypiques dans les cellules olfactives, et induit même un accroissement de leur capacité à migrer vers des organes et structures à distance du foyer initial (notamment dans le cerveau), et à y proliférer.
La famille des gènes récepteurs olfactifs est connue pour être surexprimée dans plusieurs types de tumeurs malignes, notamment le cancer de la prostate, le mélanome, le cancer du foie ou le cancer du poumon, et aujourd’hui le cancer du sein. On peut imaginer que ce processus est en fait impliqué dans un grand nombre de cancers.
Cette découverte est donc une première étape très importante pour comprendre les mécanismes oncogènes des récepteurs olfactifs.
Des travaux vont bientôt pouvoir porter sur la création de médicaments capables d’inhiber l’OR5B21 pour réduire de manière significative la survenue des métastases dans les cancers du sein de stade avancé.
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Rappels sur le cancer du sein
Le cancer du sein est le second cancer le plus fréquemment diagnostiqué, derrière les tumeurs du poumon. Il représente la première cause de mortalité par cancer chez les femmes.
Grâce aux évolutions incontestables tant au niveau du dépistage que des traitements, le cancer du sein connaît aujourd’hui un taux élevé de guérison. Mais il est encore responsable chaque année de nombreux décès, notamment en présence d’une tumeur agressive. Par ailleurs, le risque de récidive est toujours présent. C’est pourquoi la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques capables de stopper ou de réduire l’évolution métastatique est une excellente nouvelle.
Bibliographie
iScience – Olfactory receptor 5B21 drives breast cancer metastasis
Mao Li, Markus W.Schweiger, Daniel J.Ryan, Ichiro Nakano, Litia A.Carvalho, Bakhos A.Tannous.
Le Docteur Eric Sebban est chirurgien gynécologue et cancérologue, spécialisé en chirurgie gynécologique, mammaire et cancérologique.