Après un cancer du sein, beaucoup de femmes ressentent un ralentissement inhabituel. Le mot qu’on cherche s’efface, la mémoire fait défaut, la lecture demande plus d’effort. Ce brouillard cognitif, qu’on appelle aussi « chemobrain », n’a rien d’imaginaire. Il reflète les changements que le cerveau subit pendant et après les traitements. Le Dr Sebban accompagne régulièrement des patientes concernées par ces troubles qui peuvent être pesants dans la vie quotidienne.
Qu’est-ce qui provoque le brouillard cérébral après un cancer du sein ?
Près de 61 000 nouveaux cas de cancer du sein ont été recensés en France en 2023 selon l’INCa, avec un taux de survie à 5 ans de 88 %. Si ce chiffre est encourageant, il implique toutefois une réalité : de nombreuses femmes doivent vivre avec des séquelles à court ou long terme, comme le brouillard cognitif.
Le brouillard cérébral post-cancer n’a pas une cause unique. Il se construit par accumulation : la maladie, les traitements, la fatigue, le stress… La chimiothérapie du cancer du sein agit sur les cellules nerveuses et modifie la communication entre elles. L’hormonothérapie, en réduisant les œstrogènes, perturbe les mécanismes qui protègent habituellement le cerveau. La radiothérapie ou certains médicaments peuvent aussi altérer les connexions neuronales.
Et puis il y a le reste : les nuits hachées, la peur de récidive, l’épuisement moral. Tout cela finit par brouiller la pensée. Certaines recherches suggèrent par ailleurs que la barrière hématoencéphalique devient plus perméable, laissant passer des molécules inflammatoires qui irritent le cerveau.
À savoir : ces troubles ne traduisent pas une perte d’intelligence. Le cerveau ralentit pour se protéger. Il lui faut simplement du temps et de la stimulation pour retrouver sa clarté.

Quels sont les troubles cognitifs liés au cancer du sein ?
Le brouillard cognitif après un cancer du sein ne se manifeste pas de la même manière chez toutes les patientes. Certaines parlent d’une mémoire « capricieuse », d’autres d’une difficulté à se concentrer ou à s’exprimer.
Les domaines les plus touchés sont :
- La mémoire, pour les faits récents ou les informations nouvelles
- L’attention, plus difficile à maintenir dans la durée
- Le langage, avec des mots qui se dérobent
- Les fonctions exécutives, qui servent à planifier, organiser, raisonner
Ces perturbations sont réelles, même quand les examens paraissent normaux. Des travaux d’imagerie ont mis en évidence une baisse temporaire de la matière grise et des modifications de la mémoire de travail.
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Comment se passe le diagnostic du brouillard cognitif ?

Tout commence par la consultation. Les femmes décrivent ce qu’elles ressentent : les oublis, le manque de concentration, cette impression d’esprit « cotonneux ». Le médecin ou le neuropsychologue écoute et évalue ensuite la mémoire, l’attention, la vitesse de traitement, parfois à l’aide de tests standardisés. Une IRM cérébrale peut être réalisée pour écarter une autre cause.
Le contexte émotionnel compte beaucoup : fatigue, stress post-traitement, anxiété, troubles du sommeil. Les proches remarquent souvent les premiers signes, un oubli de rendez-vous ou une conversation interrompue.
Reconnaître ce brouillard, c’est déjà commencer à le dissiper. Plus le diagnostic est posé tôt, plus la récupération est rapide.
Quelle prise en charge en cas de brouillard cognitif après un cancer du sein ?
Il n’existe pas, à ce jour, de médicament capable de faire disparaître directement le brouillard cognitif. La prise en charge repose avant tout sur une stimulation ciblée du cerveau et sur une rééducation cognitive adaptée au profil de chaque patiente.
La méthode la plus répandue est la remédiation cognitive. Elle repose sur des exercices concrets qui ont pour objectif de réveiller la mémoire, l’attention et la flexibilité mentale. Le programme onCOGITE en est un bon exemple : pendant plusieurs mois, les participantes prennent part à des ateliers en petits groupes ou en visioconférence. Chaque séance associe des tâches de mémoire de travail, de raisonnement et d’attention divisée, dans une logique de réapprentissage progressif. Le but n’est pas de « faire des scores », mais de réactiver les circuits neuronaux et de retrouver des automatismes intellectuels.
À côté de cette « rééducation » spécifique, d’autres méthodes peuvent favoriser la récupération :
- L’activité physique adaptée agit sur la fatigue, la concentration et la circulation cérébrale
- La relaxation ou la méditation sont utiles pour relâcher la tension mentale et stabiliser l’attention
- Les programmes d’entraînement cognitif en ligne sont à réaliser entre deux séances pour entretenir les acquis
- Un accompagnement psychologique est indispensable pour restaurer la confiance et apaiser la charge émotionnelle
Cette combinaison d’actions menée dans le temps permet souvent d’alléger le brouillard cognitif de façon tangible. L’enjeu n’est pas seulement la simple amélioration des performances mentales : il s’agit aussi de retrouver une cohérence intérieure, de se sentir de nouveau claire, présente, capable de penser sans effort.
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Questions fréquentes sur le brouillard cognitif après cancer du sein
Combien de temps dure le brouillard cognitif après une chimiothérapie ?
Les troubles cognitifs diminuent bien souvent entre 1 et 2 ans après la fin des traitements oncologiques. Mais chez certaines femmes, ils peuvent persister plus longtemps, notamment après des thérapies combinées.
Comment reconnaître un brouillard cognitif lié au cancer du sein ?
Perte de concentration, mémoire hésitante, difficulté à suivre une discussion, lenteur dans les tâches simples. Ces signes justifient une évaluation s’ils s’installent dans le temps.
Comment récupérer sa mémoire après un cancer du sein ?
Les exercices de remédiation cognitive, associés à une activité physique douce et à une stimulation intellectuelle régulière (lecture, musique, jeux de mémoire), favorisent la récupération.
Quand consulter en cas de brouillard cognitif après un cancer du sein ?
Dès qu’une gêne cognitive dure plusieurs mois : oublis répétés, désorganisation, épuisement mental. Un neuropsychologue peut aider à cibler les fonctions à rééduquer.

Le Docteur Eric Sebban est chirurgien gynécologue et cancérologue, spécialisé en chirurgie gynécologique, mammaire et cancérologique.