Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont mis au point un outil d’intelligence artificielle (IA) capable de dépister un cancer du sein jusqu’à 5 ans avant sa formation. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Radiology mardi 7 mai 2019.
On rappelle que le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme, et qu’il est diagnostiqué chaque année en France chez plus de 54 000 nouvelles patientes. Le pronostic des patientes est plus favorable quand le dépistage est réalisé précocement.
Intelligence artificielle : un atout pour le dépistage précoce du cancer du sein
Le dépistage organisé du cancer du sein chez les femmes âgées de 50 à 74 ans a permis de faire baisser le taux de mortalité imputable au cancer du sein. Malgré cela, un nombre important de nouveaux cas pourrait être diagnostiqué plus tôt, notamment chez les jeunes patientes.
C’est dans ce contexte que l’outil a été développé. Cette IA, basée sur le principe du deep learning, a été développée par une équipe de scientifiques du Computer Science and Artificial Intelligence Laboratory (CSAIL) du MIT en collaboration avec le Massachusetts General Hospital (MGH). Elle permettrait de détecter, à partir de simples clichés mammographiques, si une femme sera porteuse d’un cancer du sein dans les années à venir.
Une analyse approfondie des données de plus de 60 000 patientes traitées au MGH a permis de développer cet outil. Celui-ci est capable de reconnaître les signes précurseurs de cancer du sein en comparant les mammographies pré et post-diagnostic de cancer du sein des patientes. Grâce à ces données, les scientifiques ont été en mesure d’apprendre à la machine quels clichés correspondaient à des patientes ayant développé un cancer du sein, et quelles images ne représentaient aucun risque.
L’IA pourrait donc représenter un véritable atout dans le cadre du dépistage du cancer du sein. Elle contribuerait à la réalisation d’un diagnostic précoce du cancer du sein ce qui assure une prise en charge thérapeutique plus rapide et moins agressive pour les patientes. Elle aurait également une incidence majeure sur le taux de mortalité lié au cancer du sein.
L’intelligence artificielle dans la lutte contre les inégalités raciales
L’outil est notamment prometteur dans le cadre de la lutte contre les inégalités raciales face au cancer du sein. L’enjeu de cette étude, au-delà du dépistage précoce du cancer du sein, est de prédire les signes avant-coureurs de cancer chez toutes les populations, de façon plus équitable.
Ainsi, les chercheurs affirment avoir étudié les données de patientes sur toutes les couleurs de peau. La diversité des données reste cependant assez faible puisque 81 % des clichés étudiés proviendraient de personnes caucasiennes. Seulement 5 % des données concernent des femmes d’origine africaine, et 4 % des femmes d’origine asiatique. Les scientifiques du MIT assurent cependant continuer activement leur collaboration avec d’autres hôpitaux afin de renforcer leur base de données, et rendre leur modèle équitable et efficace pour toutes les populations.
« Les chiffres préliminaires de cette étude sont toutefois prometteurs », a déclaré un porte-parole du MIT. Les scientifiques du MIT ont constaté que leur modèle fonctionnait à la fois sur les patientes à la peau noire et les patientes à la peau blanche.
Cette étude représente un enjeu majeur dans la lutte contre la disparité raciale dans les soins de santé des femmes, puisque les recommandations actuelles sont basées essentiellement sur les données de populations blanches. Ces disparités peuvent engendrer des retards de prise en charge chez les femmes de couleur, et avoir de graves conséquences. Le MIT évoque le taux de mortalité particulièrement élevé suite à un cancer du sein chez les femmes noires, puisque celui-ci s’élève à près de 42 % aux États-Unis.
De façon plus générale, les femmes d’origine ethnique africaine, asiatique et hispanique auraient plus de chances de développer précocement un cancer du sein que les autres.
Depuis une vingtaine d’années, les inégalités liées à la couleur de peau face au cancer n’ont pas baissé, et auraient même tendance à augmenter dans le cas du cancer du sein.
Lorsque l’on sait que certaines formes de cancer du sein — comme le cancer inflammatoire — sont plus présentes chez les femmes d’origine africaine, on comprend l’importance des résultats de cette étude, et l’urgence à diversifier les données médicales de référence.
Le Docteur Eric Sebban est chirurgien gynécologue et cancérologue, spécialisé en chirurgie gynécologique, mammaire et cancérologique.